Commentaires royaux sur le Pérou des Incas,

Ecrit par Inca Garcilaso de la Vega, natif du Cuzco.

Ce livre traite de l'origine des Incas, anciens rois du Pérou, de leur idolâtrie, de leurs lois et de leur gouvernement en temps de paix et de guerre, de leur vie et de leurs conquêtes et de tout ce que fut cet empire et cet Etat avant que les Espagnols ne l'aient conquis.

 

Pour Sa Majesté la Princesse Sérénissime Dona Catalina de Portugal, Duchesse de Bragance

 

Lisbonne, 1609

Inca Garcilaso de la Vega, métis de sang royal inca et Espagnol est né à Cuzco capitale du Pérou en 1539 et y réside jusqu'en 1560. En 1609, première édition de son livre qu'il avait en grande partie rédige sur place d'après sa propre expérience. II meurt en Europe en 1617.

 

Chapitre XI : << Des fruits des arbres les plus remarquables [. . .] Un autre fruit, appelé chili [le piment], fut connu au Cuzco en 1557. I1 est de fort bon goût ; les plantes qui le produisent sont basses et rampent sur le sol ; il a la partie supérieure granulée, comme l'arbouse et la même grosseur ; toutefois il n'est pas rond mais un peu allonge en forme de cœur. [. . .] >>

 

Histoire naturelle et morale des Indes occidentales

Ecrit en 1589, pendant et après les années de prêche de Joseph d ’Acosta aux Amériques (de 1571 à 1588).

Livre Quatrième - Chapitre 20

De l’aji ou poivre des Indes

Dans les Indes occidentales, on n’a trouvé aucune épicerie qui leur fût propre comme le poivre, le clou de girofle, la cannelle, la noix de muscade ou le gingembre* ; bien qu’un membre de notre compagnie, qui voyagea beaucoup en divers endroits, raconte que dans certains déserts de l’île de la Jamaïque, il avait trouvé des arbres qui donnaient du poivre** ; mais l’on n’est point certain que cela en soit et l’on n’en a pas fait commerce. Le gingembre fut apporté de l’Inde à l’île d’Hispañola, et s’est multiplié de telle sorte que l’on ne sait plus qu’en faire, tant il est vrai que la flotte de l’année 1587 en rapporta à Séville 22 053 quintaux.

Mais l’épice naturelle dont Dieu pourvut les Indes d’Occident est celle en Castille on appelle poivre d’Inde***, et aux Indes aji par un mot général emprunté à la première terre des îles qui furent conquises. Dans la langue du Cuzco, on l’appelle uchu et dans celle du Mexique chili.

Il s’agit d’une chose bien connue ; aussi y a-t-il peu à en dire. Il faut seulement savoir que, chez les anciens Indiens, elle était fort appréciée et qu’on l’apportait dans les régions où elle ne pousse pas, comme une marchandise d’importance. Elle ne pousse pas en terre froide, commedans la sierra du Pérou, mais dans les Vallées chaudes et irriguées.

*il y a bien sûr la vanille et d ïzutres épices, mais à cette époque seules les épices fortes avaient de l’importance.

**Peut être le poivre de la Jamaïque ou les baies roses ?

 ***Le piment, comme on le nomme de nos jours.

L’ aji est de diverses couleurs : vert, rouge et jaune ; il en est un très fort appelé Caribe, qui pique et mord violemment ; un autre doux et presque suave que l’on mange à pleines bouchées. Il en est un menu qui sent dans la bouche comme du musc et qui est fort bon. Ce qui pique dans l’aji, ce sont les veinules et les graines ; le reste ne mord point. Il se mange vert et sec, moulu et entier, au pot ou dans des sauces.

C’est la principale sauce et toute l’épicerie des Indes ; consommé avec modération, il aide à la digestion, mais si l’on en prend trop, il a des effets déplorables car il est d’une nature très chaude, volatile et pénétrante, et son emploi répété est préjudiciable à la santé du corps des jeunes gens, et plus encore à celle de l’âme, car il incite à la sensualité ; et c’est une chose étonnante que, bien que le feu qu’il a en lui soit si notoire, et que tout le monde dise qu’il brûle à l’entrée et à la sortie, malgré cela, il en est beaucoup pour soutenir que l’ aji n’est point chaud, sinon frais et bien tempéré. Mais moi, je pourrais dire la même chose du poivre, et l’on ne m’apportera pas davantage de preuves de l’un que de l’autre ; aussi est-ce une moquerie de prétendre que l’ aji n’est pas chaud, vu qu’il l’est extrêmement. Pour tempérer l’aji, l’on a recours au sel, qui corrige beaucoup, car ils sont très opposés l’un à l’autre, et leurs effets se freinent on a recours également aux tomates, qui sont fraîches et saines, et sont des sortes de gros grains juteux, qui font des sauces savoureuses, mais sont également bonnes à manger seules. On trouve le poivre de l’Inde universellement répandu dans toutes ces terres, dans les îles, en Nouvelle Espagne, au Pérou, et dans tout ce qui à été découvert.

En sorte que, de même que le maïs y est la graine la plus répandue pour faire du pain, l’aji est l’épice la plus commune pour les sauces et les ragoûts.

Chapitre extrait de l’Histoire naturelle et morale des Indes occidentales, de Joseph de Acosta

Traduction de J.Remy-Zéphir (Payot-1979)